Un bâtiment expérimental qui répond aux ambitions innovantes d’Alphonse Pallu, fondateur et premier maire du Vésinet
L’article 8 du Cahier des charges imposées aux acquéreurs de terrains au Vésinet prévoyait l’édification d’une église à construire par la Société Pallu & Cie, à ses risques et périls, au cœur du Village. Mais pour couvrir cette Société des dépenses correspondantes, chaque acquéreur était tenu de payer pendant six ans une cotisation de un centime par an et par mètre superficiel de sa propriété.
Pour réaliser l’édifice, la Société Pallu fit appel à l’architecte Louis-Auguste Boileau (1812-1896). Il donna au bâtiment un style néo-gothique sobre en utilisant un procédé de construction original pour l’époque : une structure métallique (piliers-colonnes en fonte et ferrures en fer étiré, couvrement par un système de pendentifs à nervures métalliques).
Pour les murs, Alphonse Pallu choisit le système Coignet de béton aggloméré. L’église du Vésinet fut le premier édifice public mettant en œuvre ce type de matériau. L.-A. Boileau « signa » son projet néo-gothique très subtilement : les châssis vitrés de la nef et le pavement devant le chœur dessinent la projection d’une voûte à liernes et tiercerons, figure conforme au style ogival flamboyant.
Aux premiers temps de la « colonie du Vésinet », la construction de l’église qui devait devenir Sainte-Marguerite fut un constant objet de curiosité, d’attention, de commentaires. La pose de la première pierre « la seule » comme on en plaisantait déjà à l’époque, fut réalisée le 20 juin 1862 par Monseigneur Mabile, évêque de Versailles, occasionnant déjà une fête remarquée.
L’originalité de la technique et des matériaux mis en œuvre, la rapidité de la construction, son prix de revient très avantageux, ont donné lieu à de nombreux articles de presse … à la grande satisfaction des promoteurs de cette grandiose opération immobilière qu’était aussi la naissance du Vésinet. On remarqua particulièrement la luminosité intérieure du lieu, due au minimum d’encombrement des piliers-colonnes.
Une histoire courte, dense et mouvementée
L’église fut consacrée le 2 juillet 1865.
Elle est dédiée à Sainte Marguerite en souvenir de la fille prématurément décédée d’Alphonse Pallu, directeur de la Société Pallu & Cie et plus tard premier maire de la commune.
En 1876, la Société Pallu & Cie fit don à la jeune commune du Vésinet, de l’église et de sa place, ainsi que du presbytère et son jardin.
En 1896, la population augmentant, l’édifice fut agrandi (ou plus exactement complété selon le plan de Boileau) par l’architecte vésigondin Louis Gilbert (1831-1904) qui acheva le projet initial par l’adjonction de la sacristie et de deux chapelles latérales. La décoration des chapelles et du déambulatoire fut confiée à Maurice Denis (1870-1943). Les verrières de la nef et du chœur ont été mises en place entre 1865 et 1904, offertes par Alphonse Pallu et de généreux paroissiens. Plusieurs artistes verriers, Goguelet, Lobin-Florence, Henri Carot, Chauche, témoignent chacun de leur époque. L’ensemble a été restauré en 1980.
En 2009, un incendie causa d’importants dégâts aux œuvres de Maurice Denis. Une minutieuse restauration fut entreprise puis fut étendue aux peintures originelles du chœur, recouvertes dans les années 1960.
A signaler, parmi les éléments décoratifs deux pièces majeures : une « Sainte Famille », peinture sur bois attribuée à un peintre italien du 16e siècle, Andrea Del Sarto, restaurée en 2015 et la « Sainte Conversation », œuvre du 17e siècle restaurée en 2017. L’auteur de cette huile sur toile, inspirée de Véronèse, est inconnu.
Inscrite à l’Inventaire Supplémentaire en 1978, l’église Sainte-Marguerite du Vésinet est devenue Monument Historique par arrêté ministériel du 29 avril 2016.