Sur une parcelle achetée fin 1899 à la Société des Terrains et des Eaux du Vésinet, Arthur Schweitzer (1855-1924), ingénieur, fit construire cet édifice, face au lac des Ibis et aux grandes pelouses, dans un style et avec des matériaux inspirés de l’aile Est du Grand Trianon (pilastres en marbre rose de Caunes-Minervois (Aude) surmontés de demi-chapiteaux ioniques, balustres en pierre couronnant la façade, grandes portes-fenêtres cintrées au sommet…). L’architecte n’est pas connu.
La façade principale, orientée vers l’Est, à un seul niveau, est élevée sur un étage de soubassement formant à l’arrière un rez-de-chaussée bas.
Schweitzer (sans parenté avec le célèbre Docteur prix Nobel de la Paix), ruiné, n’eut pas le loisir de l’habiter. Un industriel indien de la célèbre dynastie Tata l’acheta aux enchères en 1906 pour le revendre deux ans après à Robert de Montesquiou (1855-1921) qui fut le premier à l’habiter réellement et qui lui donna son nom.
Personnage original, descendant d’une vieille lignée d’aristocrates (dont d’Artagnan), de diplomates, de militaires et d’hommes politiques, c’était un poète, esthète et érudit, un critique d’art et de littérature, un collectionneur de tableaux, sculptures et bibelots, un dandy, un des hommes les plus en vue des salons parisiens de la Belle Epoque. Ami de Proust, de quinze ans son cadet, Sarah Bernhardt, Diaghilev, Mallarmé, grand admirateur de Verlaine en l’hommage duquel il prépara au Palais Rose une grande réception qui se solda par un échec. Il installa dans le jardin un Temple de l’Amour dont il reste des vestiges et qui abrita une vasque en marbre rouge, revenue en 1932 à l’Orangerie du château de Versailles pour lequel elle avait été taillée au XVIIe siècle. Il fit construire, en 1912, l’Ermitage donnant sur la rue Diderot, pour y abriter ses collections.
Succéda à Montesquiou en 1923 une marquise italienne, Luisa Casati, excentrique autant que fortunée, fréquentant nombre d’artistes comme van Dongen ou Man Ray qui firent son portrait ou d’Annunzio dont elle fut très proche. Elle demeurait là avec son boa vivant et son chauffeur noir. Elle donna des fêtes grandioses, organisant par exemple un lâcher de deux millions de papillons.
A ce jeu, elle finit par se ruiner d’autant qu’elle n’était guère regardante sur les factures qu’on lui présentait ! Elle mourra dans la misère à Londres en 1957.
Le Palais Rose avait été racheté aux enchères en 1936 par M. et Mme Scrive, industriels lillois (textile), après avoir failli être démoli et le terrain loti par les créanciers de la marquise.
Le colonel Charles de Gaulle logea trois nuits en mai 1940, à l’Ermitage tandis que le PC de sa division blindée en cours de formation était installé au Vésinet.
Depuis quatre-vingts ans, les propriétaires successifs, tous privés, ont eu avant tout le souci de préserver l’aspect d’ensemble et d’aménager l’intérieur pour l’adapter à leurs besoins de confort et de modernisme.
La parcelle mesure un peu plus de 7 000m².
Le Palais Rose a été inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 1986. Il est visible à l’occasion des Journées du Patrimoine, en septembre.